Agnès Aflalo
L'assassinat manqué de la psychanalyse
La Règle du jeu, n° 36, janvier 2008, p. 95-147.

Par Deborah Gutermann






Si tout acte manqué s’interprète, « l’assassinat manqué » de la psychanalyse n’échappe pas à la règle. La répétition des offensives visant l’éradication de l’éthique de Freud et de Lacan tient autant de l’acharnement que du symptôme de civilisation. C’est au déchiffrement de celui-ci qu’Agnès Aflalo, psychiatre et psychanalyste membre de l’École de la Cause freudienne, s’attaque ici brillamment. Avec ses deux articles que publie Bernard-Henri Lévy dans La Règle du jeu, elle ouvre une nouvelle brèche dans l’édifice chancelant du scientisme et de l’imposture des cognitivo-comportalistes. Leur conception de l’humain, plus que jamais meilleur ami du chien, ferait presque rire si elle ne signait pas la mort de la singularité du sujet et de son désir. Les adeptes des TCC et autres réductionnistes de tous poils nous laisseraient au moins aussi indifférents que les astrologues si la toile qu’ils avaient tissée ne leur avait permis d’atteindre l’Université (cf. sur ce point l’éclairant dossier de LNA-Le Nouvel Âne n°8), l’Inserm puis les arcanes du pouvoir. De l’amendement Accoyer à la récente campagne contre la dépression, c’est donc une entreprise de démolition du savoir et de la pratique orientés par la psychanalyse qui est en jeu. Avec cette publication, Agnès Aflalo contribue à la consolidation de ce front du refus mené depuis 2003 par Jacques-Alain Miller. Elle se confronte aux sources mêmes du cognitivisme et démontre point par point la vacuité de ses thèses.
    Là où les lumières de la science sont invoquées, elle indique l’obscurantisme du scientisme et le retour en force d’une conception épidémiologique de la maladie mentale. On ne peut qu’être frappé par l’immense bond dans les ténèbres que les TCC ont fait faire à la psychiatrie. Dans ce tableau sinistre, on se surprend pourtant à sourire franchement, notamment lorsqu’Agnès Aflalo ironise sur la longueur des questionnaires élaborés par les comportementalistes qui, afin de débusquer les TOC, demandent naïvement à leurs victimes : « Éprouvez-vous le besoin excessif de faire des listes ? de vérifier ? »... Et elle de conclure par ce clin d’œil grinçant : « À bon entendeur, salut ! »
Cependant, ne nous y trompons pas, si l’on rit à la lecture de cet article, ce qui fait loi pour les TCC, c’est le « symptôme biopsychosocial », création hybride, où le symptôme n’est qu’une «faute d’apprentissage», comprenant des données biologiques (comme l’hérédité) ou sociales (comme la pauvreté). C’est ainsi que se fabrique, entre autres, la figure du délinquant que certains ont voulu détecter dès l’âge de trois ans. Si rien ne vaut la prévention, après la lecture de cet article lumineux, le lecteur est fermement convaincu qu’un autre genre de « population à risque » devrait urgemment être mis en quarantaine.


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