Guillaume Bachelay
Désert d'avenir ? Le parti socialiste, 1983-2007
Bruno Leprince, 2007

Par Nicolas Goarant

« Pour certains, au prétexte que le réel est de droite, le PS devrait se droitiser. »
    1981 : « Changer la vie ». Les salaires et les minimas sociaux sont augmentés, la décentralisation sort la France du féodalisme territorial, les droits des femmes progressent, la peine de mort est abolie, l’homo-sexualité dépénalisée, le système scolaire réformé, la culture démocratisée.
    1983 : fermez le ban et ouvrez la parenthèse. Les socialistes deviennent raisonnables et Bernard Tapie prépare ses triomphes d’entrepreneur libéral à la télévision.
    2007 : la gauche sombr    e. Nicolas Sarkozy prospère sur le terrain d’une question sociale laissée en jachère par la candidate socialiste. Rhétorique ouvriériste, visites d’usine, promesse de relance du pouvoir d’achat : le candidat UMP, lecteur de Gramsci, sait que la politique en démocratie est une lutte de symboles, de mots, de signifiants. Pendant que l’ancien maire de Neuilly capte l’électorat populaire traditionnellement acquis à la gauche, Ségolène Royal agite de petits drapeaux. Comme le poète de Charleville, elle invente une langue, mais Charlety n’est pas l’Abyssinie et plutôt que de choisir le silence et l’exil, elle persévère dans des dérives séman- tiques plus ou moins droitières. « Assez, plus de mots » aurait-on eu envie de lui répondre...
    Quelle mouche a donc piqué le parti d’Épinay pour le voir troquer les espoirs rimbaldiens contre des citations de Jean-Paul II ? C’est un lent processus de reniements inavoués, de lâches soulagements et de réorientations manquées que décrit Guillaume Bachelay, conseiller général de Seine-Maritime de 34 ans, collaborateur de Laurent Fabius, et désormais membre du Bureau national du PS. Un quart de siècle de rigueur monétaire, d’intériorisation des contraintes de la mondialisation, de repli sur les jeux d’ombres et d’intrigues de la rue de Solférino sont déconstruits d’une plume alerte et ironique dans Désert d’avenir ? Un quart de siècle où la « contrainte du réel n’apparaît plus comme une donnée extérieure à laquelle il faut opposer une politique, mais comme l’intériorisation de l’impossibilité d’agir ». Du tournant de la rigueur au non-programme de 1988, des mirages européens au sommet de Barcelone de 2002, c’est à une archéologie des désillusions et renoncements socialistes que procède Bachelay. Plus qu’une dérive du PS, la drôle de campagne de 2007 illustrerait ainsi l’aboutissement d’un processus.
    Désert d’avenir tranche avec la littérature en vigueur au PS : pas d’échanges mondains avec un journaliste politique à la mode ou un sociologue sur le retour, mais un constat lucide et documenté des reniements d’un parti qui n’a gagné qu’une seule élection nationale en vingt ans. Le pessimisme de la connaissance ne devant pas empêcher l’optimisme de la volonté, Bachelay fournit pour autant quelques pistes pour sortir le PS de l’ornière. D’abord, cesser de capituler sur les mots, par exemple de baptiser « réformes » les régressions, ou « agilité » la flexibilité. Retrouver les chemins du politique en bâtissant une souveraineté économique européenne ou en laïcisant le capitalisme, c’est-à-dire refuser que le vivant, l’environnement, la santé, la culture soient des biens échangeables et vendables. Gagner la bataille de l’emploi et du savoir en améliorant notamment un système universitaire qui profite pour l’essentiel aux classes économi- ques et culturelles les mieux dotées. C’est autour de propositions fortes, de travail intellectuel et de renonciation au pessimisme que, peut-être, « dans le désert, apparaîtra l’oasis ».





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