• Numéro
7
L'ALTERNATIVE
BRANCHÉE, RÉSISTANCE OU RÉACTION ?
Le web a changé notre rapport
au monde. C’est cette transformation qu’il nous appartient ici
d’explorer, s’il est vrai que Le
Diable probablement se penche par vocation sur ce qui spécifie
notre temps.
En préparant ce numéro, une question
cruciale a
aiguillé ma perception des technologies de l’information et de la
communication, les désormais fameuses TIC : oui ou non, en temps
utiles, pourraient-elles servir d’outil de résistance ? Car, on ne le
répétera jamais assez, l’idéologie de la transparence trouve dans ces
technologies de quoi se renforcer. La surveillance des populations s’en
voit facilitée. Pire, les nouveaux médias forcent notre rapport à
l’information. Quand on pouvait choisir de lire tel journal plutôt que
tel autre, on ne peut plus longtemps échapper sur le web à la lecture d’articles douteux et d’appels à la haine. Internet
pourrait être un redoutable outil de propagande. Tout cela est
vrai.
Mais qu’on songe aussi au cas de l’Iran qui
a connu
le 12 juin dernier de bien tristes élections. Et qu’on songe en même
temps que, grâce à l’Internet, les Iraniens ont ouvert une porte dans
le mur de silence derrière lequel leur régime criminel les avait
enfermés. Qu’on songe enfin que ce mur, ils l’ont percé pour ne pas se
résigner au silence imposé, et écrire un peu cette histoire qu’on
prétendait édifier – et de quelle manière ! – à leur place. Leurs
appels auront eu, par le biais de YouTube,
Twitter, Facebook –
j’en passe –, un réel impact. La communauté internationale (non plus
seulement ses représentants, mais aussi et peut-être d’abord, ses très
nombreux citoyens internautes) se sera émue du sort des Iraniens.
Nombreux sont les profils des inscrits sur Twitter
qui ont adopté la couleur verte en signe de solidarité avec les
opposants d’Ahmadinejad. «Nous sommes tous des Iraniens ! », nous
suggèrent ces Followers dont
certains ne sont pas, en temps normal, politisés.
Réjouissons-nous-en.
Internet sera demain plus qu’aujourd’hui un
outil de
domination, mais aussi, dans le même temps, un outil de libération et,
parions-le, de création. Laissons aux réactionnaires, ces somnambules
qui marchent à reculons, le délice de décrier la nouveauté et de
regretter les temps anciens. Laissons à ceux qui manquent
d’imagination, le rejet d’une époque qui n’est plus propice aux
correspondances raffinées de Mme de Sévigné, et augurons que nous
saurons créer ici et maintenant, dans le monde où nous vivons, une
autre forme de littérature.
Ceci étant dit, comment les technologies de
l’information et des médias, d’une actualité sans cesse dépassée mais
aussi vite renouvelée, modifient-elles notre époque, radicalement et
sur tous les fronts ? Voilà la question que nous ouvrons ici. Et
puisqu’Agnès Aflalo, Johan Hufnagel et Philippe Breton nous font
l’honneur de leur présence dans ce numéro, c’est avec eux que nous
partons explorer l’étonnant continent technologique que nous habitons
désormais.
Anaëlle
Lebovits