• Numéro 8
ATTENTION :
PASSIONS !
Mange bio, bouge, cours, mais
ne bois pas, ne fume pas, ne mange ni trop gras ni trop salé ! Take care! entend-on partout, tout
le temps, et de toute part. Nous vivons bel et bien dans la société du
Care. Martine Aubry a saisi la portée décisive de ce nouveau signifiant
au point d’en faire l’un des maître-mots de sa politique. Elle surfe
adroitement sur la tendance du soin, même si son acception du Care
renvoie finalement à un socialisme assez classique. Le soin contre
l’excès ? Mettons. Mais les tentatives de limitation de la jouissance
qui se cachent derrière ce Care ne sont pas sans reste, et c’est sur ce
reste précisément que se penche cette huitième livraison du Diable probablement. Ce reste se
repère dans d’autres passions contemporaines qui nous entraînent,
elles, bien loin des limites de l’Un-Bien-Beau.
Gageons ainsi que ce numéro laissera dans la bouche un goût d’infini,
comme le chiffre 8 quand on le couche. Car Le Diable tend
l’oreille – qu’il a
aussi fine que pointue – pour mieux interpréter nos brûlants états
d’âme et les convulsions qu’ils entraînent, afin d’éclairer notre monde
à la lueur d’un gai savoir incandescent. Comme à son habitude, c’est
par ses symptômes que Le Diable
attrape « le bel aujourd’hui ». Et tout particulièrement si ces
symptômes font souffrir autant qu’ils réjouissent, s’ils nous abîment
autant qu’ils nous comblent...
Dans sa hotte, il a rangé pêle-mêle des ados accros à la Chatroulette
russe, les nouveaux penchants racistes de la France, des nostalgiques
de la colonisation, des fanas du complot, des écolos plus mortifiés que
vifs, des jeunes femmes new-age
qui ne jurent que par le bio, des édiles sadiques et cyniques qui
s’excitent à grands coups d’évaluation, des antisémites, des géomètres
qui mettent le bonheur en statistique... Et puis le fric, le drapeau
tricolore, le spectre de Viollet-le-Duc, et une pincée de petits
enfants passés à la moulinette scientiste !
Le Diable n’y va pas
avec le dos de sa grande cuillère ! Et même, il en rajoute ! Pour
preuve, il convie dans ses pages embrasées des penseurs et des
artistes, des hommes de goût ou d’engouement : le philosophe Pascal
Bruckner, le pianiste Nicolas Stavy, le chausseur Christian Louboutin,
et le metteur en scène Alain Françon... Bien qu’enfiévré, Le Diable n’est pas monomaniaque.
Et ses chroniques vous entraîneront sur un nuage volcanique, dans les
cuisines du théâtre privé et, in fine, à la suite des poètes, sur des
chemins qui mènent à l’appréhension de notre civilisation.
Martin
Quenehen